jeudi 12 février 2015

Et tu n'es pas revenu de Marceline Loridan-Ivens

Date de parution: Février 2015
Éditions: Grasset
Nombre de pages: 107 pages


Quatrième de couverture:  « J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »


Mon avis: 

Marceline qui a été déportée en même temps que son père, se livre dans ce court récit. En réalité, c'est plus une lettre ouverte écrite pour son père, mort au camp d'Auschwitz. Un cri d'amour qui m'a déchirée le cœur. L'auteur,avec une grande délicatesse, nous parle de ce manque terrible, de sa volonté de vivre malgré tout mais son impuissance, au final, à le faire totalement. Toute sa vie est hantée par les camps et les horreurs vécues, vues, subies. Mais, aussi par cette disparition tragique. D'une certaine façon, Marceline s'est retrouvée orpheline. Elle qui a survécu et a fini par retrouver une grande partie de sa famille: sa mère, ses sœurs et son petit frère, n'a plus jamais été en phase avec eux. Le lien qui l'unit à sa mère est très différent de celui qu'elle avait avec son père. Au sortir des camps, sa mère ne veut pas en parler et fait mine de rien. Pas forcément dans une mauvaise intention d'ailleurs mais cela fait souffrir Marceline qui ne peut se résoudre de continuer sa vie sans la présence de son père. 

 "Aujourd'hui encore quand j'entends dire Papa, je sursaute, même soixante-quinze ans après, même prononcé par quelqu'un que je ne connais pas. Ce mot est sorti de ma vie si tôt, qu'il me fait mal, je ne peux le dire que dans mon for intérieur, surtout pas l'articuler. Surtout pas l'écrire." 


L'auteur souligne l'obligation de survivre dans les camps de l'horreur, coûte que coûte mais plutôt comme un robot. Vivant sans l'être vraiment. On devient l'ombre de soi-même dans un monde qui semble avoir perdu toute once d'humanité. C'est aussi une femme qui a porté de nombreuses culpabilités, celles des personnes chères qui ont disparu. 
Cependant, même si les camps hantent ce livre, il ne traite pas que de cela. Marceline parle à son père, de sa vie de femme. Une femme, qui devenue adulte s'est révoltée, s'est battue pour l'Algérie notamment. Elle lui conte ses amours et son non désir d'avoir des enfants.
Elle parle également des évènements tragiques plus récents, comme le 11 septembre 2001 ,où là, encore, elle a souhaité mourir pour ne plus avoir à affronter ce monde cruel par moments.

Un livre écrit avec une grande délicatesse qui m'a touché en plein cœur. Une pépite. A lire absolument.
Certains passages m'ont donné des frissons comme celui-ci: "Il y a deux ans, j'ai demandé à Marie, la femme d'Henri: "Maintenant que la vie se termine, tu penses qu'on a bien fait de revenir des camps ?" Elle m'a répondu: "Je crois que non, on n'aurait pas dû revenir. Et toi qu'est-ce que tu en penses ? " Je n'ai pas pu lui donner tort ou raison, j'ai juste dit: "Je ne suis pas loin de penser comme toi." Mais j'espère que si la question m'est posée à mon tour juste avant que je ne m'en aille , je saurai dire oui, ça valait le coup".


♥ ♥ ♥ ♥ ♥

Un mot sur l'auteur: Marceline Loridan-Ivens, née en 1928, déportée à Auschwitz-Birkenau avec son père, a été actrice, scénariste, réalisatrice. On lui doit notamment La petite prairie aux bouleaux, avec Anouk Aimée (2003), de nombreux documentaires avec Joris Ivens, et Ma vie balagan (Robert Laffont, 2008).


4 commentaires:

  1. Il faut absolument que je le lise, j'ai beaucoup aimé l'émission de La Grande Librairie qui lui était consacrée :)

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  2. J'étais sure qu'il était poignant, il me le faut absolument!!

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  3. Je ne connaissais pas mais il a l'air tellement poignant, merci beaucoup.

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  4. J'ai regardé une émission avec l'auteur sur france 5 et ce livre me tente énormément grâce à ta chronique et l'émission.

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Merci pour votre passage sur le blog!